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  • Discours

Bandes dessinées de femmes pour les femmes

La question est toujours d’actualité, de savoir si et comment les femmes sont présentes et représentées dans la scène de la bande dessinée et dans les bandes dessinées elles-mêmes. Bien que les femmes apparaissent dans les bandes dessinées, elles y sont souvent en premier lieu un écran de projection pour les fantasmes masculins. Deux jeunes auteurs rompent avec les images classiques des femmes.

Christ Mukenge : Quelles ont été vos premières expériences professionnelles de bédéistes aux niveaux local et international ?

Santa Kakese : Tout au début de ma carrière, en 2012, j’ai réalisé une BD sur la sensibilisation au « bec de lièvre » intitulée « OPERATION SMILE », avec la fondation Gertler Family Foundation. J’ai aussi participé à plusieurs collectifs : au plan international avec le projet de la Bible en bande dessinée africaine au Kenya en 2018, avec la maison d’édition PJA et Comix35, et au plan local avec exposition, vente et dédicace au « SABDAM » (Salon Africain de la Bande Dessinée et de l’Autre Musique) en 2019.

Judith Kaluaji : J’ai eu deux publications dans le fanzine collectif « Amazone 1 et 2 », publié par Kin Label en 2011 et 2013. À part ça, j’ai réalisé une exposition sur la bande dessinée à l’Institut Français en 2018 avec le collectif « Bulle Africaine ». J’ai aussi participé à la première Zando BD à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa en 2019 et au Salon Africain de la BD « SABDAM » au Musée National, en 2019. Un atelier sur la BD avec PJA et Comix35 à Kinshasa 2016. Au niveau international, j’ai participé au Festival International de Bande Dessinée d’Alger en 2011 et à une exposition en France sur Kinshasa urbain (MiAM), en 2017.

Christ Mukenge : Comment construisez-vous votre travail ?

Santa Kakese : Je m’inspire essentiellement de mon environnement, de ma communauté et de ma société. J’écris et je réalise des histoires vécues et racontées, mais je réalise aussi des histoires écrites par d’autres scénaristes. Je fais l’autoédition de mes œuvres, je participe aussi à des éditions collectives.  

Judith Kaluaji : Je commence par concevoir l’idée générale du sujet à traiter, puis je crée des personnages et j’identifie des situations. Ensuite, je dessine des planches que je vais au besoin scanner pour coloriage sur photoshop et en dernier lieu je mets mes dialogues.

Christ Mukenge : Qui vous inspire dans votre travail ou quelles sont vos influences ?

Santa Kakese : Mon coach Mola Boyika pour l’exagération des formes, l’expression et le mouvement des personnages. Notre grand Barly Baruti par son style réaliste, les détails des personnages et paysages. Le bédéiste Jérémie Nsingi pour la belle représentation de ses personnages féminins. 

Judith Kaluaji :  Ma source d’inspiration, c’est la nature et notre quotidien. La vie à Kinshasa m’inspire énormément. Parfois, je m’inspire de mes propres expériences vécues directement ou indirectement. Par exemple un sujet que j’ai eu à traiter dans le passé, “Matanga”: le nombre des planches était insuffisant par rapport à la matière parce que il y a des choses à dire sur le deuil à Kinshasa.

Christ Mukenge : A votre, avis quelle est la place de la femme artiste dans la société ?

Santa Kakese : La femme artiste a une place remarquable dans la société. C’est un atout par rapport au genre, La femme à la facilité de palper les réalités de l’environnement de par ses atouts psychologiques. Elle est la voix appropriée aux besoins et attentes de la société.

Judith Kaluaji : À mon avis, la femme occupe une deuxième place par rapport à l’homme dans notre société. Il y a des différences dans le cachet dans certains cas, il y a aussi certaines personnes qui doutent des capacités artistiques de la femme. Cette dernière a les mêmes capacités et facultés que l’homme, donc elle mérite le même traitement que l’homme. Je suis sûre que cela changera très bientôt.

Christ Mukenge : Est-ce que le genre joue un rôle dans vos productions artistiques ?

Santa Kakese : Oui, mon genre joue un grand rôle dans ma production artistique, parce que j’ai eu quelques privilèges dans ce domaine du fait de mon talent, mais aussi parce que je suis une femme. Et le fait que les femmes bédéistes et caricaturistes sont rares dans mon pays nous rend spéciales.

Judith Kaluaji : Oui, mon genre joue un rôle dans mes productions dans la mesure où je suis la mieux placée pour traiter des sujets qui nous touchent directement, par exemple je parlerai mieux de menstruation que l’homme. Et surtout je donne des rôles principaux à mes personnages féminins.

Christ Mukenge : Quelles sont les approches traitées dans tes BD ?

Santa Kakese : Je raconte nos vécus, nos réalités de vie en RDCongo (Kinshasa). Je ne traite pas seulement des sujets concernant les femmes. La preuve en est que ma BD M’Fumu-Buku parle d’une élève brillante, contrairement à un projet BD en cours renommée « 207 » qui parle d’un chauffeur et d’un receveur.

Judith Kaluaji : Je traite les thématiques qui encouragent la femme à son acceptation, surtout son apport dans le développement de notre société, pour moi la femme a un tas de potentialités à faire valoir. Dans mes prochains projets de BD, je vais davantage encourager les jeunes dans l’entrepreneuriat car c’est l’une des solutions pour créer plus d’emplois dans une société où le taux de chômage est très élevé.